Un jour de ses 12 ans, alors qu’il cueillait des fraises, CÉDRIC GROLET s’est découvert un véritable instinct de pâtissier. Un métier dans lequel ce fils de restaurateur embraye dès 14 ans, après un premier stage en boulangerie. Tellement motivé par le métier, il remporte à 20 ans un tas de concours. Sa première embauche est à Fauchon, où il travaille avec Christophe Adam et Benoit Couvrand. Cédric Grolet intègre le Meurice en 2011 et en devient chef pâtissier l’année suivante. À la tête de 25 personnes, il orchestre deux collections de pâtisseries annuelles qui rendent de beaux hommages aux fruits et à la saisonnalité.
L’utilisation que je fais de la crème est très particulière et dépend des sensations que je souhaite donner à la déclinaison du goût, car chaque pâtisserie est différente. La crème apporte tantôt de la légèreté, tantôt de la matière pour capter le goût, tantôt pour arrondir et donner de la profondeur aux saveurs. La crème se traite en fonction du produit, et 80 % de mes gâteaux en ont.
Il m’arrive de faire cuire la crème, de la monter légèrement ou de la monter excessivement, jusqu’à sa limite, l’infuser à chaud ou à froid en fonction de ce que dégage le produit. Je teste toutes ces déclinaisons pour obtenir les meilleures saveurs. Par exemple, le grué de cacao torréfié dégage un goût puissant, tandis que s’il est travaillé à froid, on arrive à produire une délicate infusion, tout en gardant le côté très fumé de l’écorce de chocolat. Autre exemple, avec les amandes grillées, j’utiliserais plutôt une crème chaude, ce qui ne sera pas le cas avec les amandes fraîches. C’est très intéressant d’exploiter au maximum toutes les qualités de la crème.
Je peux aussi fumer la crème parfois, en la déposant au milieu d’une cocotte entourée de foin, et en l’enfermant à l’étouffée. Grâce à son taux de matière grasse, la crème absorbe l’odeur.
J’utilise la crème de manière très diverse : légère, montée ou assaisonnée.
Mes pâtisseries sont souvent très fortes en goût, puissantes au cœur, puis une longueur en bouche due à la crème. Pour l’éclair, c’est la légèreté que je vais venir chercher grâce à la crème montée infusée aux grués de cacao. Puis, je renforce le goût avec un caramel chocolat noir, au cœur de l’éclair. Ensuite, je dispose des petites gavottes croustillantes surmontées de grué de cacao, sur l’éclair. Ceci procure alors un contraste entre légèreté et puissance en bouche.
Un bon choix de crèmes crues épaisses ne me demande pas de traitement spécifique. Il suffit de la servir telle quelle. Ainsi disposée dans le dessert, son goût franc ressort. Je l’utilise beaucoup avec les fruits, notamment pour accompagner des fraises tiédies, servies avec un pistou basilic et une tuile de céréales.
Le Saint-Honoré est un véritable hommage à la crème ! Et pour les 180 ans du Meurice, je voudrais le remettre à l’honneur dans sa version originale.
Son montage est très spécifique. Tout d’abord, je réalise une infusion à froid de gousses de vanille de Tahiti. Mixées, elles infusent pendant 48 heures. Ensuite, j’y rajoute une pointe de mascarpone en vue d’un équilibre. Cette préparation est, ensuite, lentement et légèrement montée dans une cuve très froide, afin d’en conserver tout l’équilibre.
Le résultat est sensationnel, car au moment de la dégustation, la crème glisse sur le palais.
C’est pourquoi, pour que la crème reste toujours parfaitement fraîche, nous réalisons deux productions de Saint-honoré par jour : le midi et le soir. Nous le déclinons aussi au fil des saisons au chocolat, au café, au citron, à la fraise etc.
Je l’aime beaucoup pour son goût et la richesse de ce qu’elle apporte.
Je l’aime passionnément pour son style, que je peux modeler au gré des infusions.
Je l’aime à la folie, car il faut bien un grain de folie pour rester raisonnable
La crème a sa place partout, il faut savoir la mettre à la bonne place.
Le Saint-honoré sans aucun doute, avec une crème classique très gourmande. La crème c’est magnifique, un vrai sujet !
LE MEURICE
Paris 1er