À l’état civil, elle s’appelle Antompindi Cocagne. Aujourd’hui, cette trentenaire, maman d’un petit garçon de 4 ans, se fait appeler « Le Chef Anto ». Née en France et élevée au Gabon, elle est la fille aînée d’une nutritionniste et d’un ingénieur. Après avoir obtenu un bac ES, elle convainc ses parents de la laisser partir en France pour étudier la cuisine. Diplômée de l’école Ferrandi Paris, elle exerce comme chef à domicile, pour des particuliers, des institutions, des entreprises et anime des émissions culinaires pour Canal+ Afrique.
Dès que j’ai eu 9 ans, ma mère m’a dit : « C’est toi qui me remplaces quand je ne suis pas là ». Très tôt, j’ai donc fait la cuisine avec ma grand-mère, mes tantes, mes cousines. J’ai toujours aimé cet environnement. C’était le moment où on se racontait les potins. On chantait, les mères nous donnaient des conseils, pas seulement pour rattraper un plat raté, mais aussi sur la vie, le couple. C’est ce qui m’a décidé à devenir cuisinière, je savais que je m’amuserais.
J’aimais beaucoup manger. Ma mère me disait : « Mais comment fais-tu pour rester toute fine ? Où va tout ce que tu manges ? ». J’étais surtout très curieuse de comprendre pourquoi on cuisait de telle manière et pas d’une autre, le mélange des saveurs. Mon plat préféré de l’époque l’est encore aujourd’hui : le sanglier à l’odika. L’odika, c’est l’amande du manguier sauvage que l’on torréfie et qui sert à faire les sauces. Les Français l’appellent le « chocolat indigène » parce que ça a l’odeur et la couleur du chocolat, mais pas le goût. Ça accompagne parfaitement les viandes très fortes comme le gibier.
C’était normal de venir en France pour apprendre la cuisine, c’est la référence. Mais, pour mes parents, la cuisine était plutôt un métier de domestique. Je leur ai promis qu’ils seraient fiers de moi, je ne pouvais pas les décevoir. Au début, c’était dur, le froid, la culture différente, le déracinement. La nourriture aussi, il n’y avait pas le petit pot de piment à la cantine du lycée hôtelier. J’étais la seule noire africaine à l’école et dans les cuisines où j’effectuais mes stages. Mais j’ai tenu bon, notamment grâce à mes maîtres d’apprentissage, je pense en particulier à Eric Pras, chef trois étoiles (Maison Lameloise).
Je fais une cuisine panafricaine mais pas une cuisine fusion. Tout part des produits de mon continent que je mets en avant avec des techniques et une présentation gastronomiques. Mon ambition, c’est d’emmener les gens en voyage, de faire découvrir l’Afrique à ceux qui ne la connaissent pas, la faire redécouvrir à ceux qui en viennent.
Au Gabon, on ne produit pas de fromage. Les seuls que je connaissais, c’était les carrés de fromage fondu et un camembert au lait pasteurisé. De plus, dans ma culture, les desserts ne sont pas très présents. On mange des fruits et, s’il y a des pâtisseries, c’est que l’on a vraiment quelque chose à fêter. C’était donc un double défi de créer un dessert au fromage ! J’ai choisi d’utiliser ce fameux fromage fondu en l’associant à des produits africains comme la poudre de baobab, à la texture laiteuse et acidulée idéale avec les produits laitiers. J’en fais une crème qui accompagne un pain perdu. Celui-ci est imbibé dans un mélange d’oeufs, de sucre et de lait concentré, typique de chez nous, puis cuit dans une chapelure de Mbouraké, délice des enfants gabonais, mélange de pain rassis, de pâte d’arachides et de lait.
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